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Depuis 2006, NuN est une formation qui chemine entre poésie et musique improvisée. Dans ce jeu, les voix expérimentent et fabriquent une musique faite de bruits de bouche se frottant aux crins du violon, de défaillances de la voix rattrapant les vibrations du tendeur, de vagues sonores, de grandes amplitudes, de joutes vocales, d’images et de mots parfois, de remous sonores et de beaucoup d’intuition… Échos, chocs, superpositions, répétitions, parfois amplifiées, ces constructions composent une matière, une musique, toute en équilibre, ouverte, en suspens, et en perpétuelle redéfinition.
Corinne Pontier / Julie Zglinski / Carolina Zviebel
Concert enregistré par David Bouvard & Loïc Verdillon lors d’une demeure à Ramdam, et mixé par David Bouvard. 29 novembre 2013.
Corinne Pontier / Julie Zglinski / Carolina Zviebel
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Récit de Samuel Heyndrickx, concert du 29 novembre 2013 :
Première impression. Un joujou juvénile. J’aurai voulu entendre le monde, une vingtaine de personnes, s’égosiller en même temps que les bruits, écho sonore de la foule qui se lâche par nécessité de lâcher. Trop de concentration ici. Et ces sons issus d’une boîte à rythmes turbulents désarmants de sénilité enfantine. Mais. Mais. Mais. La voix, la voix, la voix. Touchantes. Touché.
Un aboiement dénoue mes perceptions, doublé de l’archer poilu étrangement canin que je guette au coin du coin de l’œil. Un chien exécute une plainte discordante. Éreinté d’aboyer lui même.
Fermons les yeux, juste pour voir.
Une sorte de Milou sur pattes ballottes souillé par le vent de l’automne, une patte plus hésitante que les autres, crasse orpheline sans tracé qu’un pedigree grès des vents et châtaignes. Wouf.
Les plaisirs des feuilles, des petites feuilles qui tissent le ciel, les fils barbelés, les petits fils qui tissent le coupant, la campagne, suffisante à elle même, la verdure /// balayés dard dard par un boomerang ; emporte et viole l’image nature avec son tourniquet d’hélico paniqué. Wouf.
Un bruit de locomotive. Un bruit de locomotive qui s’échauffe qui s’étire fume oui fume fume la madone de fer fume.
Des rails. Là au milieu de nulle part de clair, un chemin de fer. Un chemin de fer dans un brouillon noirâtre/
Sommet d’un grand huit planté dans l’obscurité. Rien de la montée que son sommet de quelques mètres. Ce qu’on voit bien, là, par contre, droite toute droit devant en ligne droite, c’est la descente, immense, infernale, aboutissant maigrement sur un point de fuite de quelques centimètres en très très très contrebas à des kilomètres et des kilomètres à la droite. Sur ce sommet, un wagonnet désuète ce qu’il y a de plus wagonnet. Sur gît un homme tremblant, charbon blanc sur ce sceau charbonneux à roulette. Infini de noir, de descente et de crainte. Monstrueuse fatalité d’un vertige érigé dans le vide. Tout en tension dans une seule et unique descente. 000000000000 L’homme s’accroche comme il peut , à l’affût de la moindre précipitation. 000000000000 Terreur totalitaire. Le wagonnet s’amuse avance et recule avec lenteur, à deux roues du dernier défilé. Son cul est accroché à un fil métallique que je découvre avec stupeur. Un fil au brouillard de noir pour attache. Tout est indistinct, tout est vain, tout dit fin. La situation susurre la chute, rêve fragile. Le fil va casser. Il va rompre. Le fil grince. Boulons épuisé. La misère de lui même de l’homme. Mort titille. La frousse suprême. Le délire qui traîne, instable mais si terriblement hostile à la vitesse. Le fil va rompre. La descente infernale. Le fil rompt. Pente vertidominicale raide si divinement exécrable. L’homme bascule tête rejointe par l’aut’e bout dans l’cul du vide. Le wagonnet finit seule sa descente irrésistiblement gravité. Lui, l’homme, le gamin, le point B, sombre dans le grand noir, Alice au pays sans frontières.
Bling. J’ouvre les yeux. Changement, postures, reprise. Bling, ferme. Montage para/RA/llèle.
Noir. L’air est distordu. Mon chemin de fer s’étiole. Un vulgaire bout d’guirlande de saint glin glin gin gin gingembre. Plus qu’un bout d’ficelle flottant en s’tortillant lentement d’une brise inexistante dans ce rien entièrement sombre. Noir. Un trou profond. Deux regards inhumains. Une poignée de mains inhumaines. Deux humains inhumés. Sans muse immunisés. L’un prêt à tomber, l’autre à le remonter. Une seule poignée de main. Inexorablement. Dragon de Chine apathique. Déviance de courbature. Colonne dévertébrale. L’un choisit de tomber. L’autre de remonter. Le trou est immense. La décision de l’un l’emportera sur l’autre ou l’inverse de l’autre sur l’un. C’est joli. Croise dans son sillage de rails bourrés l’homme qui chute ; L’un et l’autre sont fermes sur leur position. L’autre, prêt à remonter l’un, ne comprend pas d’abord la décision de l’un de tomber. L’un a trop vite compris que l’autre voulait le remonter. doucement et légèrement, et si léger dans le doux. L’un a décidé de ne pas être remonté. Pourtant l’un serre la main de l’autre. L’autre est rassuré, pensant le remonter ;mais l’un veut lui serrer la main pour lui dire adieu et l’autre ne veut pas l’entendre et continue à lui tenir la main, aussi fort que dieu se doit, l’un est en colère et tire l’autre vers le trou, l’un ne veut pas faire tomber l’autre, il veut que l’autre lâche. Jeu de pression par mutuelle compréhension. l’homme tend les bras, l’homme s’agrippe, l’homme s’entortille, un bébé devant téton de sa taille. Tourbillon de chemin fer spirale avec l’humain. L’autre s’accroche, l’autre veut remonter l’un, Poussière. les yeux de l’un se projettent dans le vide, c’est le vide qui se doit d’être pour l’un, il tire la main de l’autre mais la main de l’autre est plus forte que celle de l’un, Par ci, par là, navigue, par ci par là gravite, atteint un sol et l’un approche donc son visage de la main de l’autre, et la mord, aussi fort que dieu se doit, et la main de l’autre saigne, inexorablement, et l’un resserre sa mâchoire et l’autre ne lâche pas, et l’un insiste et l’autre insiste et le sang coule, Ruban délicat se pose. s’y dépose. Homme rose qui voudrait voir la mer dans ce fondu enchaîné. et l’un et l’autre et l’autre et l’un et l’un dans l’autre l’un est l’un et l’autre est l’autre alors l’entrain/ je ne sais pas la fin, comme un supplice en continu.
Wouf.
Je suis sur le fil de l’esprit le son s’agrippe à moi d’une horizontalité mouvante mourante émouvante le son d’une voix dénue d’ailleurs qui se fait traversée rouge dans la noirceur de mon regard
éteint.
Parce que mes poils se hérissent, que
Tout le monde se réveille, c’est la fin.
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Enregistré par Simon Dijoud lors d’une demeure à Ramdam, et mixé par Herve Barrioz. Juillet 2013.
Corinne Pontier / Julie Zglinski / Carolina Zviebel
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Accueils en résidence :
- La Ponnatière, Échirolles 2006
- La Fosse, Marseille 2009
- La Fosse, Marseille 2010
- avec le projet Objets Vocaux, studio de la compagnie Parnas Marseille 2011
- avec le projet Objets Vocaux, Les Bancs Publics, Marseille 2012
- Ramdam, Sainte-Foy-lès-Lyon juillet 2013
- Ramdam, Sainte-Foy-lès-Lyon novembre 2013
Lieux de concerts :
- La Ponnatière, Échirolles 2006
- Musiques Libres, Besançon 2008
- avec Lionel Palun, 102, Grenoble 2009
- librairie Bonne Nouvelle, Grenoble 2009
- L’imprimerie, Saint Étienne 2009
- La Fosse, Marseille 2009
- Les Instants Vidéos, La Fosse, Marseille 2010
- Petits chahuts itinérants, Barnave 2010
- avec le projet Objets Vocaux, Daki Ling, Marseille 2011
- Pont de Barret 2011
- avec le projet Objets Vocaux, Les Bancs Publics, Marseille 2012
- avec le projet Objets Vocaux, Marseille 2014